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    Ce photographe syrien a partagé ce message déchirant juste avant sa mort

    «La Syrie est mon pays et ma raison de vivre.»

    Shamel al-Ahmad était un photographe et un militant syrien de 35 ans. Il vivait à Alep.

    Début septembre, la page Facebook Humans of Aleppo a partagé le message de Shamel al-Ahmad.

    Facebook: humansofaleppo

    Dans ce post, il explique pourquoi il a choisi de rester en Syrie pendant la guerre. «Alep fait partie de moi, je ne peux pas l'abandonner. Cela me désole qu'Alep doive affronter toute cette horreur, mais je peux encore sentir sa liberté», écrit-il.

    «Je ne peux pas risquer la vie de mes deux enfants en cette période meurtrière, ils sont tout ce que j'ai au monde», a dit un jour Shamel.

    Mon nom est Shamel Al-Ahmad. J'ai 35 ans, je suis marié et j'ai deux enfants.

    Ma vie a changé lorsque j'ai vu une vidéo des forces de sécurité du régime syrien humiliant mon peuple et marchant sur leurs têtes à Bayda et à Banias.

    En juillet 2012, les combattants de la liberté sont entrés dans ma ville, Alep. J'avais jusque là été obsédé à l'idée de me faire arrêter et d'être détenu par les forces du régime. Mais nous étions désormais hors de portée du régime, et je n'avais plus à cacher mon identité.

    Le risque d'être détenu est passé, mais ma ville est devenue un lieu où le régime peut cibler tous ses opposants. L'artillerie, les avions de chasse, les bombes barils et même les missiles Scud. Nous avons été confrontés à toutes ces armes mortelles que j'ai montrées avec mon objectif. Je pensais que ces photos raconteraient notre histoire et qu'elles forceraient la communauté internationale à agir, ou au moins à aider les civils, mais j'ai récemment compris que c'était sans espoir.

    Daech s'est emparé d'une partie de mon pays. J'ai tout de suite su que notre combat pour la liberté serait sans fin et qu'Assad n'était pas notre seul problème.

    J'ai rejoint l'équipe de «Life Makers», qui travaille sur le développement social et aide les gens à s'acclimater à une nouvelle réalité, la réalité en temps de guerre.

    Je suis parfois déprimé et déçu, et je perds parfois espoir. Je passe du temps avec mes amis et mes frères de révolution, ils sont mon espoir et la source de ma force pour vaincre la dépression.

    Il y a plusieurs mois, quelqu'un m'a proposé d'embarquer sur un bateau pour l'Europe. Nous en avons parlé de nombreuses fois et j'étais sur le point d'accepter, mais j'ai fini par refuser...

    La Syrie est mon pays et ma raison de vivre. Cependant, il n'est pas possible de risquer la vie de mes deux enfants en cette période meurtrière, ils sont tout ce que j'ai au monde.

    Mon ami a rejoint l'Allemagne fin 2015. Il a l'air heureux. Nous communiquons par Skype chaque semaine, et il continue de m'encourager à suivre son exemple. Et je continue de refuser.

    Malgré les raisons, plus nombreuses chaque jour, me poussant à partir, je suis le genre de personne qui ne peut pas survivre loin de ses rues. Alep fait partie de moi, je ne peux pas l'abandonner. Cela me désole qu'Alep doive affronter toute cette horreur, mais je peux encore sentir sa liberté.

    Je suis triste pour les amis que j'ai perdus et que je continue de perdre, surtout ceux qui sont proches et qui sont des frères de révolution. Bon nombre d'entre eux ont perdu espoir et ne peuvent plus continuer. Je ne leur en veux pas, mais je suis triste de ne pas les avoir autour de moi.

    Je n'ai rien contre ceux qui décident de partir pour demander l'asile, car beaucoup d'entre eux ont été forcés à le faire. Je suis juste contre l'idée d'être là pour profiter de la vie sans travail ou raison, ou sans chercher à servir sa patrie. Je ne veux pas qu'ils soient un fardeau pour les communautés d'accueil.

    Finalement, ce n'est plus facile aujourd'hui de rester en Syrie, puisque personne ne sait comment son histoire difficile s'achèvera, mais il y a encore de l'espoir pour continuer à se battre.

    En dessous du texte, le modérateur de Humans of Aleppo a expliqué que Shamel al-Ahmad était mort le jour de la publication du post, succombant à des blessures subies lors d'un raid aérien récent qui a également tué sa femme. Ils laissent derrière eux leurs enfants de 5 et 2 ans, ainsi que leur nouveau-né.

    Le jour de la mort de Shamel al-Ahmad, une marche a eu lieu en son honneur.

    Aleppo protestors mourn AMC photographer Shamel Ahmad. He leaves behind 2wk old daughter Tala. v @SheroAlo1.

    Il était le fondateur du centre médiatique d'Alep-Est, et il était une importante figure de l'opposition. Sa mort a entraîné une vague d'hommages de la part de collègues et d'amis.

    facebook.com

    Les funérailles de Shamel al-Ahmad se sont tenues le 4 septembre. Son cercueil était recouvert par le drapeau de l'opposition syrienne.

    Funeral precession of @AleppoAMC photographer Shamel Ahmad in Gaziantep. via @miladsyrian.