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    Découvrez les longboardeuses dansantes d'Instagram

    Sur Instagram, des femmes du monde entier font évoluer le longboard, et les skateuses qui ont lancé le mouvement nous disent que ce n'est que le début.

    PARIS — Roxane Lucas parle de Ko Hyojoo comme d'un mentor, mais elles ne se sont jamais rencontrées. En fait, elle n'a jamais rencontré la plupart des femmes qui lui ont donné l'envie et la motivation pour faire du longboard, un sport de rue qui implique de monter sur de longs skateboards. Mais elle les a toutes trouvées au même endroit: Instagram.

    Parmi la foule de skaters qui glissent dans les rues de Paris, le long des bords de Seine, ou à l'ombre du musée d'Orsay, Roxane Lucas se démarque. Elle fait partie d'une poignée de femmes dans une vaste marée d'hommes, virant de bord pour éviter les touristes dans les rues noires de monde. Tandis que d'autres glisseurs font des pauses, la jeune femme de 18 ans reste concentrée sur l'exécution parfaite de ses mouvements, des écouteurs vissés aux oreilles.

    Comme Roxane Lucas, bon nombre de femmes expliquent avoir découvert l'esprit et l'art du longboard grâce à internet. Bon nombre des célébrités internet sont devenues des modèles pour les jeunes femmes qui, dans le monde entier, veulent se mettre au longboarding. Ko Hyojoo, Cindy Zhou et Alexandra Kubiak Ho-Chi sont parmi les plus connues.

    Roxane Lucas, Ko Hyojoo et les autres pratiquent toutes le longboard freestyle, ou dancing. C'est un style fluide et rythmé où on se déplace d'avant en arrière sur sa planche tout en roulant. Il peut y avoir des figures, mais il est essentiel de faire montre de fluidité et de grâce sur la planche. Ces femmes sont non seulement en train de faire évoluer cette discipline, mais elles créent aussi des vidéos qui sont partagées à travers le monde entier. Dans un sport et un espace en ligne jadis dominés par les hommes, ce sont désormais de jeunes femmes qui ouvrent la voie.

    Les parents de la jeune fille ne sont pas très emballés par sa passion. Quand elle s'est mise au skateboard il y a de ça quatre ans, c'est une de ses amies qui lui a acheté sa première planche, et qui l'a accompagnée à sa première «Dock Session», le rassemblement hebdomadaire de longboardeurs sur les bords de Seine. Mais en repensant à comment son intérêt s'est porté sur le longboard, Roxane met le doigt sur une chose en particulier: «Il y avait des vidéos du Longboard Girls Crew.»

    Le Longboard Girls Crew a été créé en 2010 par un groupe de femmes qui, selon sa fondatrice Valeria Kechichian, en avaient assez qu'on leur fasse sentir qu'elles ne pouvaient pas faire la même chose que les hommes. En 2010, une vidéo du Longboard Girls Crew qui les montrait en train de faire du skate dans Madrid est devenue virale. «Nous avons invité des femmes d'à travers toute l'Espagne, raconte Valeria à BuzzFeed News. Apparemment, c'était quelque chose de nouveau, des femmes qui se rassemblaient et qui se soutenaient les unes les autres dans le milieu du longboard.»

    Entre sa bande-son de rock classique et indie et les séquences baignées de soleil, la vidéo attirait l'œil. Depuis sa sortie, le groupe s'est servi des réseaux sociaux pour diffuser davantage de vidéos, toutes porteuses d'un message d'égalité et valorisant les filles sur quatre roues. Le Longboard Girls Crew est loin d'être le seul compte à réaliser des vidéos de longboard en ligne. Un rapide coup d'œil sur YouTube et on trouve des milliers de clips, à la fois de longboardeurs et de longboardeuses, venant du monde entier. Mais ce sont les vidéos montrant spécifiquement des femmes qui ont attiré des skateuses comme Roxane Lucas. Depuis, le mouvement a pris une ampleur mondiale. Aujourd'hui, elles ont capté l'attention, non seulement de l'industrie, mais aussi du public.

    Valeria Kechichian est en ce moment en train d'organiser un groupe de représentantes de plusieurs communautés de Longboard Girls Crews à travers le monde (des réseaux sont actifs dans des douzaines de pays, y compris la France, les États-Unis et les Philippines) pour se retrouver au Cambodge l'an prochain. Là-bas, elles espèrent rencontrer des victimes de trafic humain, en utilisant leur sport comme un moyen de nouer des liens.

    «Nous travaillons toujours avec des enfants, mais cette fois, nous souhaitons faire du Longboard Girls Crew une plate-forme active du point de vue humanitaire, gérée par des femmes qui skatent», explique Valeria Kechichian.

    Le Longboard Girls Crew s'est établi comme l'une des plus larges communautés de longboardeuses à travers le monde et Ko Hyojoo, une longboardeuse freestyle sud-coréenne, en est assurément la figure de proue. En cherchant des variations de son nom sur Instagram, on trouve instantanément de l'art fait par des fans. «L'un d'entre vous a-t-il vu les vidéos incroyables de longboard de @hyo_joo?» peut-on lire. «Elle est TROP COOL et ravissante et charmante, quand je vois ses vidéos j'ai envie d'apprendre!»

    Ko Hyojoo a posé pour Converse et Vogue, et a pris les rênes du compte Instagram de GoPro Australie. Ses vidéos Instragram, qui reçoivent des milliers de «j'aime», apparaissent régulièrement sur des fils de discussion Reddit et des pages Facebook. Presque toutes deviennent instantanément virales.

    «Grâce à Ko Hyojoo, le longboard est devenu un loisir populaire en Corée du Sud», explique Moonhee Chung, une longboardeuse qui, comme beaucoup d'autres femmes impliquées dans le sport, a acheté son premier longboard après avoir vu Ko Hyojoo faire du skate.

    «Je trouve formidable que la scène du longboard se soit étendue à de nombreuses femmes en Corée», déclare Ko Hyojoo à BuzzFeed News dans une interview par mail.

    La femme de 27 ans, originaire de Séoul, a commencé le longboard il y a deux ans, quand elle a découvert le cruiser board (une planche nettement plus petite typiquement utilisée dans des milieux urbains), alors à la recherche d'un nouveau passe-temps. À partir de là, comme ses fans, elle a découvert le longboard en regardant des vidéos en ligne. Elle a aussi enregistré des vidéos qu'elle a publiées, soit sur Facebook, soit sur Instagram, pour suivre ses progrès. Bientôt, elle apparaissait dans des vidéos avec un groupe d'autres longboardeurs appelés les StyleRiders.

    Typiquement filmées avec des GoPro, les vidéos que Ko Hyojoo et ses comparses filment offrent quelque chose de plus léger que les habituelles vidéos pleines de sensations fortes qu'on voit habituellement quand il s'agit de sports extrêmes. Ce sont ces vidéos qui sont devenues la clé de son succès. Elles étaient à l'origine un moyen pour elle d'améliorer sa technique et elle a dit que c'est à force de les regarder en boucle qu'elle a découvert son style.

    «Quand je faisais des pas sur la planche, en "découpant" à gauche et à droite, je trouvais que la façon dont mes bras suivaient mon corps pour me tenir en équilibre ressemblait à de la danse», ajoute-t-elle.

    Les fans de Ko Hyojoo font l'éloge de la facilité avec laquelle elle se meut d'avant en arrière de la planche. Sur internet, beaucoup sont attirés par l'esthétisme de ses vidéos. Les vidéos mélangent ASMR, envie de voyage et une attitude féministe et indépendante.

    Pour les skateuses comme Roxane Lucas, Ko Hyojoo a eu beaucoup d'influence. Sur le compte Instagram de Roxane Lucas, c'est difficile de ne pas remarquer les jeunes femmes venues l'encourager de la même manière qu'elles soutiennent Ko Hyojoo. Une skateuse lui envoie un emoji check tandis qu'une autre d'Israël lui dit qu'elle est «incroyable». Chaque photo qu'elle partage d'elle en train de glisser affiche le hashtag #GirlsCanRide, le mot de ralliement pour les femmes à travers le monde qui veulent s'adonner au skateboard, au longboard, à la moto et au snowboard.

    Tandis que la célébrité croissante de Roxane Lucas l'amènera inévitablement à être comparée à ses idoles, elle est déjà en train de se tailler sa propre voie. Au Dock Session, elle tente plus de figures que Ko Hyojoo, un rappel que, même si bon nombre de ces femmes empruntent des astuces et des figures des vidéos des unes et des autres, leurs styles de glisse restent très personnels.

    Ko Hyojoo dit soutenir les longboardeurs qui s'adonnent à ce passe-temps, pour qu'eux aussi puissent atteindre le même niveau de célébrité qu'elle, et qu'une telle chose est nécessaire pour maintenir un bon équilibre. «J'ai vu des hommes en faire, et c'est très attirant aussi. Les gens ont tendance à simplement juger sans même connaître ou même s'y essayer. Quand des gars font du longboard, certains disent des choses comme: «C'est un truc de gay», ce qui m'a vraiment choquée. Je pense qu'il y a trop de gens qui font des généralisations rapides pour limiter une activité à un genre, en disant que le longboard, ce n'est que pour les filles.»

    Ko Hyojoo et les groupes comme le Longboard Girls Crew ont déjà inscrit le sport dans la culture populaire. Quatre longboardeuses sont récemment apparues dans un clip de Red Hot Chili Peppers, et Ellin, membre d'un groupe de K-pop, a été prise en photo en train d'essayer un longboard le long du fleuve Han. Alors que les années 2000 ont vu des surfeuses aux cheveux salés et des skaters dont le contour des yeux était maquillé au khôl exercer leur influence sur les tendances de mode, les longboardeuses semblent être les égéries de la contre-culture actuelle.

    Roxane Lucas se déclare comme faisant partie de cette nouvelle vague. Elle tente de combiner son influence grandissante dans les réseaux sociaux avec une approche plus pratique pour encourager les jeunes longboardeurs. Elle a fait une pause pendant son propre entraînement lors d'un Dock Session afin de montrer les bases du longboard dancing à une jeune skateuse. Elle entraînait lentement la jeune fille d'avant en arrière dans l'allée, lui expliquant tranquillement les différentes étapes.

    «Je veux être une ambassadrice pour le longboard et soutenir le longboard, l'emmener vers une meilleure direction, dit-elle. Je veux changer son image.»

    Ce post a été traduit de l'anglais.