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    On vous explique la crise politique britannique sur fond d'antisémitisme

    Tout a commencé par un post sur Facebook concernant Hitler, et cela n'a fait qu'empirer.

    Le Royaume-Uni est le lieu de naissance de la démocratie parlementaire. Il n'est donc pas étonnant que les Britanniques trouvent sans cesse de nouvelles façons passionnantes de montrer au monde combien ce système peut être étrange.

    Cette histoire a commencé mardi, quand un blog politique nommé Guido Fawkes a déterré des vieux posts Facebook de la parlementaire Naz Shah, membre du Parti travailliste (centre-gauche).

    Les deux posts —publiés avant que Naz Shah ne soit élue au parlement— parlaient tous deux d'Israël et avaient été postés pendant la dernière guerre d'Israël contre le Hamas à Gaza.

    Dans le premier, elle suggérait qu'Israël soit déplacé aux États-Unis; dans le second, elle évoquait l'Allemagne nazie et parlait d'Israël comme d'un État d'apartheid. «N'oubliez jamais que ce que Hitler a fait en Allemagne était légal», peut-on lire dans le second post, fait en septembre 2014.

    La révélation de Guido Fawkes a forcé Shah à démissionner de son poste d'assistant au «Chancelier fantôme» John McDonnell*, ce qui est un coup dur pour un nouveau législateur comme Shah.

    Mercredi, Naz Shah avait publié un communiqué où elle disait désormais réaliser que «faire référence ainsi à Israël et à Hitler est une offense profonde pour le peuple juif, ce pourquoi je présente mes excuses.»

    Dans la plupart des cas, ç'aurait été la fin de l'histoire. Mais, au contraire, c'est à ce moment-là que les choses sont devenues... bizarres.

    Car c'est là que Jeremy Corbyn, leader du Parti travailliste, entre en scène. Ses liens avec un négationniste de l'Holocauste et sa position concernant les discussions avec le Hamas et le Hezbollah —tous deux considérés comme des groupes terroristes par le Royaume-Uni— ont mené à des accusations selon lesquelles il s'associerait avec des antisémites.

    Bien... à part que la «secrétaire fantôme» à l'Énergie, Lisa Nandy, passait en direct à la BBC au moment où Jeremy Corbyn faisait sa déclaration. Personne ne lui avait dit que Shah n'était pas suspendue.

    Cette faute directe fut un cadeau pour le Parti conservateur au pouvoir, qui a bondi sur l'occasion. Pendant la séance hebdomadaire de questions du Premier ministre, David Cameron a dit trouver «stupéfiant» le fait que Shah n'ait pas été suspendue.

    Le porte-parole de Corbyn a ensuite publié cette déclaration... intéressante sur Naz Shah, disant qu'elle a «fait des remarques avec lesquelles elle n'est pas d'accord.»

    Corbyn spokesman on Shah: "We're not suggesting she's anti-Semitic. We're saying she's made remarks that she doesn't agree with."

    «Nous ne disons pas qu'elle est antisémite. Nous disons qu'elle a fait des remarques avec lesquelles elle n'est pas d'accord».

    Shah a finalement été suspendue mercredi, donc voilà, vous allez penser que c'est la fin. Eh bien non, vous aurez tort.

    Naz Shah has now been suspended, by mutual agreement with Corbyn.

    Parce que, cher lecteur, c'est à ce moment-là qu'entre en scène sans crier gare l'ancien maire de Londres Ken Livingstone, tel cet ami bourré qui vient à la porte lorsqu'un de vos voisins vient se plaindre du bruit chez vous. Il doit absolument s'immiscer dans vos soucis mais ne fait qu'empirer les choses.

    Livingstone a toujours eu une relation un peu difficile avec le Parti travailliste, car il a toujours été très à gauche du mouvement.

    Cela a commencé quand Livingstone a déclaré à la BBC Radio London que le post de Naz Shah sur le déplacement d'Israël aux États-Unis était «complètement exagéré mais pas antisémite.»

    C'est très mal passé comme on peut imaginer. Le parlementaire travailliste John Mann est allé chercher Livingstone et l'a réprimandé, le traitant d'«apologiste du nazisme» et de «raciste répugnant».

    Clash between John Mann and Ken Livingstone

    Mann a pourchassé Livingstone —qui par ailleurs fait partie du comité exécutif national travailliste (l'équivalent du conseil national du PS)— jusque dans un studio de télévision, l'exhortant de «retourner dans le passé et voir ce qu'a fait Hitler! Retournez dans le passé et voyez ce qu'a fait Hitler!»

    Watch this. Extraordinary. John Mann MP: You're a disgusting Nazi apologist, Livingstone'.

    Oh, peut-être faut-il préciser que pendant tout ce temps, Livingstone était AU TÉLÉPHONE avec la station de radio britannique LBC à essayer d'expliquer sa dernièreinterview à la radio.

    À ce moment-là, des dizaines de membres du parlement avaient déjà demandé à ce que Livingstone soit suspendu. MAIS ATTENDEZ, ÇA DEVIENT ENCORE PLUS GÊNANT.

    Parce qu'une fois que Livingstone est arrivé au studio, il a encore doublé la mise. «La politique de Hitler quand il est arrivé au pouvoir [était] de transporter les Juifs d'Allemagne en Israël», a-t-il dit à Daily Politics de la BBC.

    Pour rendre la journée de Livingstone encore pire, la BBC a réussi à le confronter à John Mann depuis un autre studio.

    In a scene from his worst nightmares, Ken is now being confronted by a giant John Mann

    «Lors d'une scène tirée de ses pires cauchemars, Ken fait désormais face à un John Mann géant.»

    Livingstone avait à peine quitté l'interview qu'il s'est retrouvé entouré d'un essaim de journalistes, il a donc fait ce que toute personne saine d'esprit ferait: il s'est caché dans les toilettes pour handicapés.

    Ken Livingstone escaping questions over whether he agrees with Hitler by running into a disabled toilet, there.

    Jeudi matin, Ken Livingstone avait été suspendu pour «sérieuses inquiétudes» sur le langage qu'il a employé. «Quiconque pense que ce parti n'agit pas très sévèrement contre l'antisémitisme a tout simplement tort», a dit Corbyn à la BBC.

    Watch: Jeremy Corbyn says Ken Livingstone suspended because of "grave concerns about the language" used this morning https://t.co/FX7VuCIsHa

    Mann ne s'en est toutefois pas tiré impunément: le président du groupe parlementaire travailliste l'a appelé dans son bureau comme un enfant appelé au bureau du directeur et lui a dit qu'il était «totalement déplacé pour un membre du parlement d'être impliqué dans des querelles publiques à la télévision».

    Mais vu qu'on parle de politique britannique, on n'a aucune idée de ce qui va encore dérailler.