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    Voici ce qu'il s'est réellement passé à Charlottesville

    Qui est venu pour se battre? Est-ce que la violence venait vraiment «de plusieurs côtés», comme l'affirme Donald Trump? Voici ce que nous avons vu sur place.

    Oui, vous pouvez dire que c'est la faute des nazis.

    Dimanche soir, le calme est enfin revenu à Charlottesville, en Virginie, aux États-Unis. Les centaines de personnes qui ont passé le week-end à se battre dans les rues –et les millions qui les ont regardés– ont entamé ce qui est devenu un nouveau rituel américain: se disputer sur ce qui s'est réellement passé.

    Des extrémistes racistes ont-ils agressé des Américains indignés à juste titre? La menace de l'extrême droite a-t-elle été exagérée? Les violences des «antifa», les antifascistes, ont-elles été minimisées? Est-ce la violence est venue de «plusieurs côtés», comme le dit Donald Trump?

    Les réponses sont plus claires sur le terrain que dans les débats partisans sur les réseaux sociaux et à la télévision. Elles sont complexes, mais pas ambigües. En voici quelques-unes:

    *Le rassemblement a été organisé par le nationaliste blanc Jason Kessler, qui a annoncé il y a des mois qu'il voulait «unir la droite» pour s'opposer à l'enlèvement de la statue de Robert E. Lee de l'Emancipation Park de Charlottesville, où elle se trouve. Le général sudiste est devenu une icône pour les nostalgiques des États confédérés.

    *Des cagoules blanches des racistes du Klu Klux Klan aux polos de ceux qui se définissent comme «l'alt-right» (la «droite alternative»), les manifestants d'extrême droite constituaient une foule assez homogène idéologiquement et prête à la violence. Leur cause est affichée: ils veulent que la nation américaine devienne plus blanche, une idée renforcée par l'administration qui siège à la Maison Blanche, dont ils pensent qu'elle fait cette promesse à chaque fois que le président hurle «l'Amérique en premier».

    *En comparaison, les contre-manifestants étaient bien plus divers: il y avait ceux qui se disaient «antifacistes», des militants antiracistes du Black Lives Matter, des leaders religieux, des habitants de Charlottesville, et des gens de gauche venus parfois d'aussi loin que Seattle (à 4500 km de la Virginie). Une poignée d'«antifa» portait des vêtements de Black Bloc (un t-shirt noir, un pantalon noir, une cagoule noire) pour cacher leur identité à la police, mais ce n'était pas le cas de la plupart des contre-manifestants.

    *Les manifestants d'extrême droite étaient davantage préparés à des actions violentes. La plupart des suprémacistes blancs et des groupes néonazis sont arrivés armés comme une force paramilitaire –avec des boucliers, des équipements de protection, des cannes, et oui, de nombreuses armes à feu, grâce aux lois sur les armes de l'État de Virginie. Ils ont utilisé des manœuvres défensives, en criant aux uns et aux autres «avancez», «retraite» et ont formé une ligne de boucliers, comme s'ils avaient trop regardé 300, pour gagner du terrain ou pour protéger les leurs des projectiles. Leur préparation était manifeste. Le gouverneur de Virginie a expliqué que leur équipement était meilleur que celui de la police de l'État.

    *Leurs opposants se sont installés dans les autres parcs de la ville avec de l'eau, du café, de la nourriture, et des premiers secours. Quelque contre-manifestants –des membres d'un groupe appelé Redneck Revolt– étaient armés avec des fusils de chasse, des fusils d'assaut, et des pistolets. Mais il y avait bien plus d'armes à feu à droite: une milice de «patriotes» lourdement armés, nommée les Three Percenters, était présente en nombre. Ce groupe a notamment été chargé de la sécurité dans d'autres rassemblements de l'alt-right, comme à Portland, dans l'Oregon. Les conflits ont commencé de la même manière que lors de précédents rassemblements de l'alt-right: deux personnes de groupes opposés se crient dessus jusqu'à ce qu'un des deux donne le premier coup.

    *Jason Kessler, l'organisateur, prévoyait que le rassemblement du samedi débuterait à midi. Mais à 10 h 30, quand BuzzFeed News est arrivé sur place, les affrontements avaient déjà commencé.

    *Chaque camp a jeté des dizaines de bouteilles d'eau, le projectile favori du jour, avec les cailloux, les tomates, les perches de drapeaux cassées et les ballons remplis de peintures. Très employé par les deux bords, du spray au poivre a également été utilisé par la police sur les manifestants. Aucun des combats qui ont éclaté samedi n'ont duré très longtemps, chaque camp employant ce spray pour secourir ses combattants. La zone la plus intense de conflit se trouvait sur les marches d'Emancipation Park.

    *Vers midi, les polices locale et de l'État ont déclaré tous les rassemblements illégaux, avant de commencer l'évacuation d'Emancipation Park. Parmi les manifestants d'extrême droite, certains ordonnaient de se rabattre, mais d'autres voulaient tenir leur position, malgré les avertissements de la police, ce qui a donné lieu à des affrontements avec les forces de l'ordre.

    Dimanche, de nombreuses personnes à gauche ont fait part de leur incrédulité devant les tentatives de certains médias pro-Trump, et bien sûr du président lui-même, de les comparer à leurs ennemis. «Personne de notre côté n'appelle à tuer une partie de la population», a réagi Lacy McAuley, une militante anarchiste vivant à Washington DC, qui a conduit des contre-manifestations à travers les rues de la ville.

    Au final, chaque côté a été impliqué dans des violences et a tenté de blesser des membres de l'autre camp. Mais l'extrême droite est venue bien mieux équipée, et prête à utiliser la force pour défendre son crédo de la supériorité de la «race blanche». Et c'est bien des rangs des suprémacistes blancs qu'est issu James Alex Fields Jr, le conducteur qui a foncé sur la foule, tuant une personne et en blessant une vingtaine d'autre. Un acte a été qualifié de terroriste, de l'extrême gauche jusqu'aux républicains et à certains membres du gouvernement (mais pas par le président lui-même). James Alex Fields a été inculpé de meurtre au deuxième degré, de blessures et de délit de fuite.

    Ce post a été adapté de l'anglais par Marie Kirschen.