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    La victoire de Trump inquiète les musulmans du monde entier

    De nombreux jeunes musulmans craignent que les actes haineux à leur encontre empirent.

    Tôt dans la journée de mercredi 9 novembre, quand Trump est devenu le président-élu, les nationalistes hindous de New Delhi ont afflué en masse dans les rues afin de célébrer sa victoire. Hindu Sena, un groupe nationaliste hindou de droite, a soutenu le candidat républicain avec ferveur durant sa campagne présidentielle, le qualifiant même de «héros». Mercredi, ils ont chanté et dansé tout en brandissant une bannière à l'effigie de l'ancien présentateur de The Apprentice portant un bindi rouge.

    «Nous le soutenons depuis longtemps, déclare un fêtard à BuzzFeed Inde. C'est la meilleure personne pour donner une leçon au Pakistan.»

    En Inde, où les musulmans représentent la plus grande minorité religieuse, le Premier ministre nationaliste hindou Narendra Modi, élu en 2014, était autrefois à la tête de l'État de Gujarat, où il a essuyé de lourdes critiques pour son manque d'actions face aux violents pogroms ayant ciblé les musulmans en 2002.

    Alors que des groupes comme Hindu Sena et Golden Dawn font la fête dans le monde entier, les meneurs et intellectuels musulmans d'Europe et de l'Asie du Sud-Est disent avoir peur que la victoire de Trump puisse enhardir les groupes anti-musulmans et soit un cri de ralliement pour les mouvements islamistes radicaux.

    «Les groupes hindous de droite ont fait toutes sortes de prières pour Trump», raconte Basharat Peer, écrivain et analyste politique, à BuzzFeed News. «Et les divers groupes de droite de la diaspora indienne ont activement fait campagne et collecté des fonds pour Trump. Ils semblent avoir une affinité basée sur leur islamophobie partagée.»

    Un appel à une interdiction absolue d'entrée sur le territoire pour les musulmans

    «Donald Trump pourrait marquer la fin de l'ordre démocratique libéral. C'est l'ère des chefs autoritaires, un nouveau jour sombre.»

    L'attitude de Trump envers les musulmans a été mise au grand jour l'année dernière, pendant sa campagne électorale, lorsqu'il a demandé l'«interdiction absolue pour les musulmans» d'entrer aux États-Unis. Trump a également visé les musulmans à plusieurs reprises dans ses discours ayant fait suite aux attentats de Paris et Saint-Denis, et de San Bernardino, en Californie. Il a demandé la surveillance et la fermeture des mosquées, il a dit soutenir la possibilité d'avoir un registre de tous les musulmans, et il a affirmé plusieurs fois à tort que des «milliers» de musulmans du New Jersey célébraient les attentats du 11-Septembre.

    Les groupes musulmans du monde entier ont exprimé leurs craintes concernant le résultat des élections, et les jeunes musulmans ont utilisé les réseaux sociaux pour exprimer leur peur que les crimes haineux anti-musulmans puissent empirer.

    «Une victoire de Trump renforcera malheureusement la puissance des hommes politiques intolérants d'Inde et d'ailleurs, regrette Basharat Peer. Donald Trump pourrait marquer la fin de l'ordre démocratique libéral. C'est l'ère des chefs autoritaires, un nouveau jour sombre.»

    En dehors de l'Inde, les groupes anti-musulmans de Birmanie ont également exprimé leur affinité pour Trump. Depuis plusieurs années, le pays fait face à des violences à l'encontre des groupes ethniques musulmans, souvent alimentées par des discours en ligne acrimonieux. Plus tôt cette semaine, Ashin Wirathu, moine bouddhiste et célèbre militant anti-musulmans du pays, a posté sur Facebook: «Nous soutenons DONALD TRUMP.»

    En Indonésie, pays abritant la plus grande population musulmane au monde, les meneurs religieux ont déclaré que l'élection de Trump pourrait aliéner les groupes modérés et valoriser les extrémistes religieux.

    «La plupart des musulmans d'Indonésie sont tolérants, gentils et modérés», dit Zuhairi Misrawi, un intellectuel indonésien de Nahdlatul Ulama, la plus grande organisation musulmane indépendante du pays. «Si Donald Trump a une mauvaise politique envers les pays musulmans, cela pourrait valoriser l'extrémisme. C'est pourquoi les extrémistes sont très heureux avec Trump —il leur donne des armes.»

    Il explique à BuzzFeed News que les étudiants avec lesquels il travaille et qui ont reçu une bourse pour aller étudier aux États-Unis cette année avaient peur de ne plus être en mesure de le faire.

    En Europe aussi

    «Beaucoup de ces leaders d'extrême droite, comme Le Pen, voient Trump comme un "promoteur de nations ethniquement propres".»

    À travers l'Europe, les meneurs d'extrême droite ont commencé à célébrer la victoire de Trump dès qu'il est devenu clair que Hillary Clinton, la candidate démocrate, avait perdu. Marine Le Pen, présidente du Front national, qui a adopté une grande partie de la rhétorique populiste ayant propulsé Trump vers la victoire, a tweeté: «Félicitations au nouveau président des États-Unis, Donald Trump, ainsi qu'au peuple américain, libre!» Plus tard, elle a dit que Trump était une bonne nouvelle pour la France, à quelques mois de l'élection présidentielle.

    Geert Wilders, militant anti-musulmans et président du Parti pour la liberté néerlandais, a écrit sur Twitter: «Une victoire historique! Une révolution! Nous rendrons nous aussi notre pays aux Néerlandais!»

    En ook wij Nederlanders zullen ons land terugveroveren! #ElectionDay #MakeAmericaGreatAgain… https://t.co/1sd5DZdXGn

    Paul Jackson, qui a écrit sur les idéologies d'extrême droite et enseigne l'Histoire à l'université de Northampton, estime que beaucoup de ces leaders d'extrême droite, comme Le Pen ou Wilders, voient Trump comme un «promoteur de nations ethniquement "propres"»:

    «Ils interprètent cette victoire surprise comme un énorme coup de fouet pour leurs propres politiques imprégnées de préjudices, dont l'islamophobie.»

    Aux États-Unis, les musulmans américains craignent pour leur sécurité. À l'approche de l'élection, de nombreuses attaques à l'encontre de musulmans ont été rapportées: des membres d'une milice du Kansas ont été arrêtés le mois dernier pour avoir supposément prévu de placer une bombe dans un immeuble et de tuer des dizaines d'immigrants somaliens musulmans le jour suivant l'élection présidentielle.

    Le jour de l'élection, certaines femmes ont dit sur les réseaux sociaux avoir peur de porter leur hijab maintenant que Trump avait été élu.

    Le Muslim Council of Britain, organisation parapluie rassemblant 500 organisations musulmanes, a félicité Trump, mais a ajouté: «Il est très inquiétant qu'un homme ayant ouvertement appelé aux discriminations à l'encontre des musulmans et d'autres minorités soit devenu le leader d'une superpuissance.»

    En France, après un été marqué par les arrêtés anti-burkini, Marwan Muhammad, le directeur du Collectif contre l'islamophobie, a mis en garde dans un tweet: «L'ignorance gagne. L'intolérance triomphe. Le mensonge paie. Et si notre politique ne change pas, il nous arrivera la même chose.» Sur Twitter, la Licra et SOS Racisme ont eux aussi exprimé leurs inquiétudes.