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    Non, Joss Whedon n'a pas quitté Twitter à cause des féministes

    «Je me suis dit, si je dois écrire, alors je dois retrouver la tranquilité, et Twitter est l’endroit le moins tranquille qui existe», a dit le cinéaste à BuzzFeed News.

    Lundi, quand Joss Whedon a décidé de supprimer son compte Twitter, alors que son film Avengers: L’ère d’Ultron venait de connaître le deuxième meilleur démarrage de l’histoire du box office américain, beaucoup ont spéculé sur les raisons de ce départ. Certains ont affirmé qu’il aurait quitté le réseau social pour fuir des militantes féministes énervées par l’histoire de la Veuve noire (Scarlett Johansson) dans le film. Cette théorie a tellement irrité le cinéaste qu’il a décidé d’y répondre.

    «Ce sont des conneries», a-t-il dit par téléphone à BuzzFeed News. «Croyez-moi, j’ai été attaqué par des militantes féministes depuis mon arrivée sur Twitter. J’ai l’habitude. Chaque mouvance féministe attaque les autres mouvances, et chaque mouvance de gauche passe son temps à attaquer d’autres mouvances de gauche, parce que ce serait beaucoup trop simple si tout le monde s’unissait pour se battre pour la cause.»

    «J’ai entendu beaucoup de personnes dire "les guerriers de la justice sociale ont détruit l’un des leurs!" Mais non. Ce n’est pas vrai», a-t-il ajouté. «J’ai vu que quelqu’un avait dit sur Twitter que c’est parce que Feminist Frequency [une websérie féministe créée par Anita Sarkeesian, ndlr] avait craché sur Avengers 2. Et peut-être qu’ils l’ont fait. Mais Anita est littéralement la deuxième personne qui m’a contacté pour me demander si ça allait quand j’ai quitté Twitter.»

    En réalité, Joss Whedon a quitté Twitter pour enfin retrouver sa vie privée et sa créativité après le marathon Ère d’Ultron. «Je me suis dit, si je dois écrire, alors je dois retrouver la tranquilité», a-t-il affirmé. «Et [Twitter] est l’endroit le moins tranquille qui existe. [...] Ce serait comme passer l’examen du barreau en plein milieu de Coachella. Genre, j’ai vraiment besoin de me concentrer là les gars! Vous ne pouvez pas faire… Il faut vraiment… C’est super important pour mes études de droit!»

    Les critiques de certains utilisateurs Twitter n’étaient donc pas à l’origine de son départ, mais le cinéaste a bien fait l’objet d’attaques de la part de féministes sur le réseau.

    «Je l’ai déjà dit, mais quand vous vous affirmez politiquement, vous vous détruisez artistiquement», a-t-il dit. «Parce que d’un coup, vos prises de position – dans mon cas le féminisme – deviennent le critère de base pour juger tout ce que vous faites. Si vous n’êtes pas à la hauteur des attentes féministes, alors vous êtes misogyne.»

    Par exemple, avant la sortie d’Avengers: L'ère d’Ultron, Joss Whedon avait critiqué un teaser du film Jurassic World en affirmant qu’il faisait preuve d’un «sexisme digne des années 1970». Il avait ensuite regretté son tweet et affirmé à Variety que ce n'était «pas sympa». Le cinéaste avait aussi été clairement exaspéré par certains critiques au sujet de son tweet. «À un moment pendant l’affaire Jurassic World, quelqu’un a écrit que "défendre les femmes les marginalise" et j’étais là, OK! C’est fini! Le serpent a fini par se mordre la queue», a-t-il dit à BuzzFeed News. «Il n’y a plus rien de logique dans ce monde quand tout est décortiqué et critiqué.»

    Pour Joss Whedon, les gens qui accusent les féministes de l'avoir chassé de Twitter ont non seulement tort, mais en plus ils sont à côté de la plaque quant à la relation entre trolls et féministes sur Internet.

    Même si parmi les critiques, Joss Whedon a eu droit à des menaces de mort, le cinéaste assure que rien de ce qu’il a vu sur Twitter n’a atteint le niveau des attaques quotidiennes auxquelles font face des féministes comme Anita Sarkeesian.

    «Quand Anita Sarkeesian reste sur Twitter pour combattre les trolls, c’est une prise de position très forte», a-t-il dit. «C’est une déclaration de force, de pouvoir et de persévérance qu’il faut applaudir. Quand je débats avec des gens qui voulaient que Clint et Natasha finissent ensemble, ce n'est pas le cas. Même quand je débats sur des sujets féministes, ça ne change pas grand chose. Parce qu’au final, je reste un homme blanc, hétéro et riche. Et vous ne changerez pas la façon dont les gens pensent avec un tweet. Vous changerez la façon dont ils pensent avec vos actions. Le fait qu’Anita soit présente sur ces réseaux, qu’elle fasse face à tout ça et qu’elle endure tout ça et toutes les femmes comme elle –ça, c’est important.»

    «Ça ne change pas grand chose quand quelqu’un comme moi débat sur le féminisme. Parce qu’au final, je suis juste un homme blanc, hétéro et riche.» —Joss Whedon

    La passion des fans de comics, en particulier, était connue de Joss Whedon bien avant l’existence de Twitter. Quand il a commence à écrire pour Marvel dans les années 2000, l’écrivain de comics Brian Michael Bendis lui a donné un conseil. «Il m’a dit "tu vas rencontrer un nouveau type de personnes"», raconte Joss Whedon. «Il m’a parlé d’une lettre qu’il avait reçu où quelqu’un lui disait "dans la première case de la page 17, Daredevil n’aurait jamais dit un truc pareil meurs meurs je veux que tu meures"… Je n’avais jamais eu à faire à des choses pareilles parce que mes fans ont toujours été des gens doux, érudits, intéressants et humains. Je ne connais aucun troll fan de Buffy. Donc le flot de "tu crains, tu crains, tu crains" [sur Twitter], je ne pense pas avoir besoin de faire partie de cet univers négatif.»

    Ce n’était pas seulement le flot incessant de propos haineux que Joss Whedon voulait faire taire. «Beaucoup de gens ont dit des choses méchantes, mais beaucoup de gens ont dit des choses géniales. Mais combien de fois ai-je besoin d’être complimenté avant que ça ne devienne bizarre? J’apprécie tellement que le gens prennent le temps de partager leur enthousiasme. Mais de mon côté, à un moment, je deviens juste une sangsue qui se nourrit de compliments. Ça ne va pas plus m’aider à écrire que les critiques qui me descendent.»

    Quand on lui demande s’il pense revenir sur Twitter un jour, Joss Whedon reste dans un premier temps assez vague: «Je suis sûr que j’y penserais à un moment ou un autre. C’est très sympa. Je m’y suis beaucoup amusé.» Mais plus il en parle, moins cela semble probable.

    «Je pense que je pourrais retrouver les articles que je trouvais sur Twitter ailleurs», a-t-il dit. «Certaines blagues vont me manquer. Peut-être que j’irai voir du stand-up pour écouter des blagues! Je pense que c’est déjà une amélioration dans ma vie… J’ai besoin de sortir, de faire mes recherches, de tourner la page, de voir des choses, d’écouter de la musique, de vivre comme un individu. Je ne suis pas très doué pour tout ça. D'une certaine façon, parce que j’ai toujours l’impression d’être le vieux qui ne comprend rien à la technologie, maintenant, je suis l’homme qui pense qu’il pourrait mieux vivre sans.»

    Traduit et édité par Marie Telling