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    Le mystérieux journaliste new-yorkais qui calomnie toujours les ennemis du Kremlin

    Mikhail Klikushin a écrit plusieurs articles pour le New York Observer. Tous raccord avec les arguments de la propagande gouvernementale russe.

    L'hebdomadaire new-yorkais le New York Observer soutient un de ses journalistes qui a écrit plus d'une douzaine d'articles avec un clair penchant pro-Kremlin. Son plus récent article n'est pas sourcé et attribue la mort du leader de l'opposition Boris Nemtsov à sa vie amoureuse.

    Le reporter, Mikhail Klikushin, a écrit 15 articles pour le journal depuis novembre 2014, si l'on en croit le site de l'hebdomadaire. Il n'a pas de présence sur internet –que ce soit en russe ou en anglais– au-delà de ses articles pour l'Observer, qui ont aussi été repris par d'autres médias. Quand on cherche son nom sur la base de données spécialisée Nexis, on ne trouve aucun résultat.

    « Il écrit », a dit le rédacteur en chef de l'Observer, Ken Kurson, à BuzzFeed News. « Il habite dans l'agglomération de New York. C'est un citoyen russe qui est en Amérique depuis au moins dix ans environ ». Il est impossible de trouver une façon de contacter Mikhail Klikushin en ligne. Il a décliné une demande d'interview de BuzzFeed News, transmise par Ken Kurson.

    Selon le rédacteur en chef, Mikhail Klikushin est un pigiste et a été payé pour ses articles. Ken Kurson a dit avoir rencontré le journaliste en face-à-face.

    Il a soutenu les articles du journaliste et a dit : « J'en ai probablement édité moi-même environ la moitié ».

    « Nous essayons de publier du contenu intéressant que les gens voudront lire », a-t-il ajouté.

    Les 15 articles de Mikhail Klikushin s'alignent de façon remarquable avec les éléments de propagande pro-russes. Le Kremlin publie régulièrement de tels éléments de langage, soit au travers de communiqués de presse soit, plus souvent, au travers d'articles publiés dans des médias officiels ou proches du gouvernement.

    Un peu plus d'un jour après que Boris Nemtsov a été abattu à Moscou, le New York Observer a publié un article de Klikushin spéculant que la « vie amoureuse compliquée » du leader de l'opposition était à l'origine de son meurtre. Cette idée avait été lancée par Russia Today, qui appartient au Kremlin, et par Life News, un média très proche des services de sécurité russes, dans les heures suivant le meurtre de Boris Nemtsov. Life News avait titré son article : « Quelqu'un pourrait s'être vengé de Nemtsov après un avortement de son amante ». Au même moment, des bots automatisés russes spammaient Twitter avec des tweets identiques disant : « Nemtsov a été tué à cause de la jalousie d'un Ukrainien (apparemment il a piqué la copine d'un Ukrainien) ».

    La Russie a beaucoup investi pour diffuser sa propagande. Dans le monde anglophone et francophone, cela passe surtout par des médias comme Russia Today ou le nouveau site Sputnik. Mais il existe également des projets plus réduits et sans liens directs avec le Kremlin. De nouveaux sites comme Russia Insider assurent être des initiatives privées.

    Un rapport récent intitulé La menace de l'irréalité: comment le Kremlin utilise l'information, la culture et l'argent à des fins militaires, montre comment la Russie s'assure que sa propagande trouve un écho occidental. Ses méthodes peuvent être aussi bien directes que nuancées et subtiles. Le sujet de la propagande russe est au premier plan —autant aux Etats-Unis qu'en Europe– depuis la guerre et la révolution en Ukraine, où la Russie a déployé ses atouts médiatiques pour dépeindre le nouveau gouvernement ukrainien comme des « nazis ».

    Les articles publiés dans les médias occidentaux se retrouvent souvent dans la conversation médiatique russe. Les articles de Klikushin sont régulièrement traduits en russe –on ne sait pas bien par qui–, puis circulent sur des sites et des blogs obscurs, voire au-delà. Ici, un commentateur utilise une traduction d'un article de Klikushin dans « le journal américain New York Observer » pour réfuter un contenu posté sur le site de la radio d'opposition Ekho Moskvy. Là, un billet sur un site différent renvoie vers l'article de Klikushin et demande, « Est-ce qu'ils ont commencé à voir la vraie nature de l'Ukraine à New York ? »

    D'autres articles écrits par Klikushin ciblent les bêtes noires préférées du Kremlin: la porte-parole du Département d'Etat américain Jen Psaki, l'ancien président géorgien Mikheil Saakashvili, les présidents de la Lithuanie ou de l'Estonie ainsi que des hommes politiques lettons. Klikushin se concentre également sur l'Ukraine, avec un article intitulé : « La nouvelle Ukraine est dirigée par des canailles, des canons, des seigneurs de la guerre, des fous et des Oligarques ».