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    Voici ceux qui se cachent derrière les photographies les plus étranges des banques d'images

    Comment pouvaient-ils se douter qu'un Père Noël se pinçant les tétons rencontrerait tant de succès?

    S'il y a une chose vous donne l'impression que vous avez des pouvoirs de divination, c'est lorsque vous voyez une photographie issue d'une banque d'images: ça se voit immédiatement.

    Ces photos semblent obéir à la règle 34 d'Internet: si vous pouvez l'imaginer, il en existe une représentation dans une banque d'images. Ce qui signifie que Getty, Shuttershock et tant d'autres sont pleines de scènes sombres, étranges, et pour le dire simplement, véritablement effrayantes.

    Vous avez besoin de la photo d'un homme embrassant sa femme pastèque? C'est comme si c'était fait. Et pourquoi pas un mec béat exhibant un rouleau de PQ? Faites votre choix.

    if there is a better stock photo narrative i haven't seen it.

    Traduction : s'il existe une meilleure histoire en photos de banques d'images, je ne l'ai jamais vue.

    Les photos de banques d'images sont une source inépuisable de toiles vierges attendant d'être transformées en mèmes. Elles nous ont offert des classiques du mème à l'ancienne, de Hide The Pain Harold aux femmes qui rient seules avec une salade et à un blog entier de commentaires de Pornhub présentés sur des photos de banques d'images.

    Bien qu'elles soient populaires sur Reddit et Tumblr depuis des années, elles ont récemment touché un plus grand public grâce au compte @DarkStockPhotos sur Twitter.

    «Elles sont tellement parfaites», a expliqué Andy Kelly, le journaliste britannique qui a ouvert le compte @DarkStockPhotos, à BuzzFeed en parlant de son inspiration. «Par exemple, comment illustrer la dépression saisonnière? Mettons un type en face d'un sapin de Noël avec un pistolet.»

    Depuis qu'il a ouvert le compte en juin, @DarkStockPhotos a atteint plus de 140.000 abonnés. Selon Andy Kelly, trouver de nouvelles photos pour alimenter le compte est un processus assez simple.

    «Je réfléchis simplement aux pires trucs possibles», a-t-il expliqué. «C'est incroyable de voir à quel point ces sites sont exhaustifs et ont des photos de toutes les combinaisons imaginables.»

    Aw look how quickly they made up. We have much to learn from Getty Images.

    Traduction : Regardez comme ils se sont réconciliés rapidement. On a tellement à apprendre de Getty Images.

    Alors, qui prend réellement ces clichés étranges, et qu'est-ce qui inspire des photos aussi bizarres?

    BuzzFeed News s'est adressé à quelques-uns des artistes qui se cachent derrière certaines des plus étranges et des plus célèbres photos de banques d'images pour leur poser la question: pourquoi ces photos ont-elles été prises?

    Ces photos d'un petit garçon en larmes tenant un pistolet sont devenues virales après avoir été postées sur Shutterstock.

    Elles ont été propulsées en première page de Reddit, présentées sur CollegeHumor, et sont apparues dans plusieurs tweets viraux.

    Sergey Komisar, le photographe russe spécialisé dans les photos de banque d'images à l'origine des clichés a pris ces photos de son fils il y a trois ans. Mais il ne s'attendait pas à ce qu'on les trouve amusantes.

    En fait, jusqu'à ce que BuzzFeed News le contacte, il ignorait que ses clichés sont parmi les plus reconnaissables sur internet. Les photos ont été téléchargées moins de 20 fois sur Shutterstock, a-t-il estimé.

    L'histoire derrière les photos est bien moins sombre que ce que la scène —un enfant sanglotant, une arme à la main— ne le suggère.

    Sergey Komisar raconte que les photos ont été prises lorsque Roman, son fils alors âgé de trois ans, était devenu grincheux à la fin d'une séance de photos. Il s'est mis à pleurer tout en tenant son jouet (oui, l'arme est un jouet).

    «C'était un moment adorable, que je ne voulais pas manquer. Je lui ai donc demandé de garder la pose», explique le photographe. «Après cinq minutes à prendre la pose, il a cessé de pleurer et s'est remis à rire.»

    Et qu'en est-il de cette quarantaine de photos d'un type avec un masque de cheval? Elles sont l'œuvre de Rich Ellgen, dont le travail créatif est disponible sur iStock, l'une des principales banques d'images.

    «Lorsque j'ai commencé à travailler pour iStock, j'avais un emploi abrutissant en tant que conseiller client dans un centre d'appels», raconte le photographe qui habite en Californie à BuzzFeed News. «J'esquissais donc des idées pour exprimer ma créativité.»

    Son frère lui avait donné le masque de cheval quelques années auparavant, et il l'adorait tellement qu'il a commencé à l'intégrer à son travail. Sa femme et lui ont alors tenté de trouver de plus en plus de choses à faire faire au cheval.

    «Une fois, ma femme a enfilé le masque de cheval et nous avons sorti une assiette avec des fleurs dessus» raconte-t-il. «Puis je me suis demandé: "Qu'est-ce que je peux faire d'autre? Le cheval pourrait avoir trop bu et s'évanouir à table."»

    Il le reconnaît: la série de photos rappelant la série BoJack Horseman a rencontré «un grand succès».

    À présent, Rich Ellgen travaille à temps plein en tant que pasteur en charge des jeunes, mais continue de prendre des photos pour les banques d'images comme une sorte de «passe-temps rapportant de l'argent». Comme les photos doivent être d'une qualité suffisante pour être acceptées sur iStock, Rich Ellgen utilise leur validation ou non comme un retour sur son travail.

    «Je crois que si quelque chose est bien fait, ses applications sont infinies. J'essaye donc de produire des images bien faites qui peuvent être interprétées de nombreuses façons différentes», explique-t-il.

    En ce qui concerne les images d'un Père Noël torse nu se pinçant les tétons avec passion, c'est l'œuvre de Tracy King — le photographe et le mannequin de cette série de photos culte.

    «Cela ne me ressemble pas. Je suis timide, pudique, je n'aime pas attirer l'attention, et être gros [me met] mal à l'aise», souligne Tracy King à BuzzFeed News. «Je me suis dit, bon, repousse un peu tes limites. Amuse-toi. De toute façon, personne ne trouvera la photo.»

    Mais les gens ont trouvé la photo. En fait, elle a fini par se propager dans tous les recoins les plus étranges de la Toile. C'est cette image qu'utilise comme avatar le compte @DarkStockPhotos sur Twitter.

    «Faire quelque chose qui me mettait mal à l'aise [m'a aidé à sortir] de ma coquille et à m'ouvrir un peu» a-t-il ajouté. «C'est la première photo de ce genre que j'ai prise.»

    Depuis, en plus d'un certain nombre de photos normales, Tracy King a publié plusieurs autoportraits étranges à destination des banques d'images, dont une où il s'apprête à manger une boulette de papier toilette assis sur les toilettes ou une autre où il dort avec une main dans son pantalon.

    «Si elles se vendent, je suis content parce qu'avoir plus d'argent me rend toujours heureux», a-t-il dit. «Mais si elles ne se vendent pas, je ne paye rien pour prendre ces photos, donc le risque est minime, du moins financièrement.»

    En réalité, Tracy King gagne de l'argent grâce à ses créations les plus étranges. Il estime que sa photo en Père Noël lui a rapporté 750 dollars, et les «photos de banques d'images bizarres» sont devenues une activité secondaire à part entière.

    «Comme elles n'ont aucun usage commercial, personne dans ce secteur ne semble penser que ce genre de photos se vendront, estime-t-il. Je veux dire, ce n'est pas la photo d'une personne lambda dans un costume générique avec une pose banale qui tend le bras pour vous serrer la main et qui peut être utilisée pour des milliers de choses différentes. C'est la photo d'un gros mec qui se pince les tétons.»

    Derrière ses clichés étranges se cache aussi une curiosité: quelqu'un peut-il vraiment trouver une utilité à de telles images?

    «Je fais des recherches sur Google pour voir si je peux les trouver ultérieurement» a-t-il affirmé. «C'est amusant de trouver les histoires dans lesquelles les gens les utilisent, ou les mèmes qu'ils créent avec mes photos.»

    Et Tracy King a très bien compris la blague. Il affirme adorer que des «créatifs» transforment ses photos en mèmes.

    «C'est merveilleux quand ils modifient [l'image], y ajoutent leurs propres mots. Qui n'aime pas les mèmes?»

    Si vous avez un jour besoin de la photo d'un homme vêtu d'un pantalon géant planant dans les airs, Mihai Blanaru, un photographe en Roumanie, a ce qu'il vous faut.

    Mihai Blanaru est informaticien à plein temps chez Hewlett-Packard. Son passe-temps, c'est de prendre des photos pour les banques d'images, mais aussi d'être photographe pour des événements, des photos de familles, de mode ou des portraits.

    L'homme sur la photo est Alex Marcu, un ami de Mihai Blanaru. Ce dernier l'a fait poser pour toute une série de photos destinées aux banques d'images, prises en 2015.

    «Tout a commencé lorsque j'ai vu quelques perruques colorées associées à des accessoires de carnaval. J'ai ensuite réalisé que je pouvais obtenir de gros bonbons et de nombreux autres accessoires amusants», raconte-t-il. «Avec l'idée d'apporter quelque chose de gros à la séance, j'ai trouvé une boutique de vêtements XXXL, et ce fut la partie la plus amusante.»

    Alex Marcu a fini par les porter pour cette photo véritablement culte.

    «Je me souviens que je devais prendre une pause de cinq minutes après dix minutes de photos parce que je pleurais de rire» a-t-il expliqué.

    En tout, la séance complète lui a rapporté près de 800 dollars — dont 200 dollars pour la seule photo avec le pantalon.

    Mihai Blanaru n'avait pas non plus conscience de la popularité de sa photo en ligne et était «étonné et heureux» de le découvrir.

    «Je pense que les gens ont adoré ces photos parce que c'était nouveau, original, mais aussi parce qu'Alex était très spontané, amusant, authentique et détendu, et que beaucoup de gens s'en sont facilement rendu compte», a-t-il conclu.

    I LOOKED UP "HUGE PANTS" FOR A SHITPOST BUT I FOUND THESE STOCK IMAGES AND IM LAUGHING SO HARD THAT I THINK IM GONN… https://t.co/UtmnoRboU5

    Traduction : J'AI CHERCHÉ "PANTALONS GÉANTS" POUR FAIRE UNE BLAGUE MAIS J'AI TROUVÉ CES PHOTOS DE BANQUES D'IMAGES ET JE RIS TELLEMENT QUE J'AI L'IMPRESSION QUE JE VAIS VOMIR

    Chez Shutterstock, l'une des principales banques d'images, l'objectif est de s'assurer qu'il existe une large gamme de contenu comblant tous les besoins imaginables des clients — peu importe qu'ils soient bizarres ou non, souligne Paul Brennan, responsable du contenu chez Shutterstock à BuzzFeed News.

    «Cela dépend beaucoup du marché et des clients», a-t-il expliqué.

    Bien que de nombreux sites fournissent une petite description du type de photos dont ils ont besoin, il incombe aux photographes de décider de ce qu'ils photographient et publient.

    Pour devenir contributeur sur Shutterstock, il faut présenter dix de vos œuvres pour examen. Une fois que la première de vos images est approuvée, votre compte est activé, et vous pouvez commencer à mettre vos photos en ligne.

    Toutes les photos sont évaluées avant d'être publiées afin de s'assurer de leur qualité technique, de leur conformité avec le droit (par exemple, qu'elles ne violent aucun droit d'auteur et que les modèles ont signé une décharge) et de la pertinence des métadonnées (c'est-à-dire qu'elles respectent les consignes en matière de titre ou de mots-clés).

    Une fois les photos mises en ligne, elles sont disponibles pour l'ensemble des clients. Ces derniers achètent directement les photos sur le site, et les photographes savent rarement ce pour quoi leurs photos finissent par être utilisées.

    Bien entendu, l'essor des photos de banques d'images en tant que mèmes a entraîné le vol de bon nombre de ces photos via les innombrables captures d'écran et leur diffusion à grande échelle.

    Paul Brennan le martèle: Shutterstock prend «très, très au sérieux» la protection de ses images.

    «Ce sera toujours notre priorité. Dès que nous découvrons qu'[une photo] a été utilisée indûment, nous enquêtons afin de nous assurer que le contributeur soit justement rémunéré pour son contenu», a assuré Paul Brennan.

    Si plusieurs photographes sont enthousiastes à l'idée que leurs œuvres deviennent virales, même à travers des publications illégales, ce n'est pas le cas de Rubén Carbó, un photographe et spécialiste de la retouche situé en Espagne.

    «À mes débuts en photographie, j'étais mauvais. Vraiment, vraiment très mauvais», reconnaît-il. «J'ai donc essayé de "forcer" les images à être étranges, en créant des choses improbables, pour que le public se dise "je ne peux pas m'empêcher de regarder cela".»

    Le travail de Rubén Carbó s'est amélioré avec le temps, mais il a gardé ce principe. En 2013, pendant ses examens de fin d'études, il a créé la photo ci-dessus. Des dents dans un orbite.

    «Je ne faisais qu'étudier, sans avoir de temps pour autre chose. Et quand je suis stressé, je mange. Beaucoup. Même lorsque je n'ai pas faim», a-t-il expliqué.

    «Le truc, c'est qu'ici en Espagne, une expression dit "Estás comiendo más con los ojos que con el estómago", ce qui se traduit par "on mange plus avec ses yeux qu'avec son estomac". J'ai essayé d'exprimer cela littéralement.»

    La photo s'est vendue 12 fois, ce qui a rapporté un total de 87,19 dollars à Rubén Carbó. Il a expliqué qu'une fois, la photo s'est vendue pour 60 dollars, mais qu'habituellement, les sommes sont bien plus petites.

    Depuis, la photo — ainsi que plusieurs autres de ses clichés — circulent sur Reddit et Twitter.

    Rubén Carbó trouve cela «un peu triste», puisqu'il ne reçoit pas d'argent et n'est pas crédité pour son travail. Si une entreprise volait ses photos, il pourrait la poursuivre en justice, mais sur les réseaux sociaux, il n'y a pas grand-chose à faire.

    «Je veux dire, c'est génial que les gens voient votre travail et disent "hé, c'est joli, plus de gens devraient le voir"», concède-t-il. «Le problème survient au moment où les gens voient le travail d'un artiste et disent "hé, c'est joli, je vais le remettre en ligne sur ma page personnelle, obtenir des abonnés et des likes, et éventuellement de l'argent, sans même créditer l'auteur original".»

    «Et si, sur tous les comptes, [ils écrivaient] mon nom? En partageant la photo depuis ma page plutôt que de la remettre en ligne? ajoute-t-il. Les choses seraient peut-être différentes. J'aurais peut-être eu un peu plus de ventes. Ou quelques projets en plus de la part de personnes qui m'ont vu sur internet.»

    Rubén Carbó adore tout de même faire partie de la communauté des «photographes de banques d'images étranges».

    «Quand les médecins souriants et les couchers de soleil parfaits ne peuvent rien pour vous, nous sommes là! sourit-il. Nous, les gens bizarres.»

    Ce post a été traduit de l'anglais.